Vietnam : pour des jeunes entrepreneurs, ouvrir un café pour s'émanciper
Vietnam : pour des jeunes entrepreneurs, ouvrir un café pour s'émanciper.
Hanoï (AFP) - "Au début, ma famille ne me soutenait pas trop" : au Vietnam, une nouvelle génération d'entrepreneurs réinvente les standards de la réussite au travail, à rebours de leurs parents, à coup d'expressos et de café aux oeufs.
Longtemps, Vu Dinh Tu a caché à ses parents qu'il tenait un café. Quand ils l'ont su, ils ont essayé de le convaincre de reprendre son emploi dans une banque d'investissement, considéré comme plus rémunérateur et plus stable.
"Ils ont vu le travail difficile que représente la gestion d'une entreprise, des finances au personnel et ils ne voulaient pas que je galère", explique le jeune homme de 32 ans.
"Je veux faire comprendre aux gens qu'il s'agit d'une carrière sérieuse", affirme-t-il.
Son commerce compte aujourd'hui quatre branches à Hanoï, capitale d'un pays féru de "cà phê", où il n'est pas rare de croiser des habitants siroter leur boisson dans la rue sur des tabourets en plastique.
Au Vietnam, le café peut se boire à partir de recettes originales qui feraient recracher son expresso serré à un Italien : avec du lait condensé, des jaunes d'oeuf fouettés, des glaçons, du yaourt ou même, parfois, du sel.
Une nouvelle vague d'entrepreneurs est en train de moderniser le secteur, dans un contexte de développement économique et d'ouverture au monde.
- Producteur de robusta -
Leur premier obstacle : défier l'opinion de leurs parents, qui ont grandi avec l'idée que la réussite passait par la médecine ou le droit.
"Les cafés sont devenus un moyen de casser les normes liées à la pression familiale pour (...) travailler dans quelque chose de familier et de financièrement stable", explique Sarah Grant, professeure associée à l'Université d'Etat de Californie.
"Ils sont aussi devenus des espaces de possibilités où les personnes créatives peuvent se réunir en communauté", poursuit-elle.
L'histoire d'amour avec le café est indissociable de la production de grains, initiée par les colons français dans les années 1850.
Le Vietnam est le deuxième producteur mondial de café, avec 17% des quantités toutes variétés confondues, derrière le Brésil, avec une culture concentrée dans les Hauts-plateaux et les montagnes du Nord.
Le robusta, au goût considéré moins subtil que l'arabica, représente la grande majorité des volumes.
Dans les cafés nouvelle génération, le menu propose une variété de grains torréfiés de différentes manières, dans des décors travaillés, propices à la socialisation et... aux réseaux sociaux.
- Marché en expansion -
"Quand on prépare un café, c'est presque comme si on était un artiste", lance Nguyen Thi Hue, une ancienne journaliste de 29 ans qui a installé son échoppe dans une allée pittoresque de Hanoï.
L'industrie des cafés pèse 400 millions de dollars (360 M EUR) et progresse de 8% par an, a constaté le cabinet de conseil aux marques Mibrand.
Mais le chiffre pourrait être sous-évalué, en raison de milliers de commerces qui opèrent au noir, estime Vu Thi Kim Oanh, enseignante dans un campus vietnamien de l'université australienne de RMIT.
La demande peut attirer des personnes en quête de nouvel horizon professionnel, avec un peu d'argent pour se lancer. "Si ça marche, vous continuez. Si ça ne marche pas, vous passez à autre chose", poursuit-elle.
Pour le moment, ça marche, au point de résister aux multinationales étrangères, alléchées par les perspectives que propose le pays aux cent millions d'habitants.
La star des chaînes internationales, Starbucks, ne représente que 2% du marché en 2022, selon Euromonitor International. L'enseigne américaine a ouvert l'an dernier son 100e magasin au Vietnam, en dix ans de présence, alors qu'elle en compte cinq fois plus en Thaïlande, pourtant moins peuplé.
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Vu Dinh Tu, propriétaire d'un café de Hanoï, le 30 septembre 2024 © AFP Nhac NGUYEN