Thé ou café ? Au Kosovo, votre réponse révèle votre âge
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Thé ou café ? Au Kosovo, votre réponse révèle votre âge.
Vushtrri (AFP) - L'aube est à peine levée que des ouvriers aux yeux encore lourds poussent la porte de l'une des maisons de thé de Vushtrri, auto-proclamée "capitale du thé" des Balkans, mais la boisson subit les assauts d'une nouvelle génération adepte du café.
Nichée sous le minaret de la mosquée, la maison de thé ou "Cajtore" - du mot Caj, qui désigne le thé dans le sous-continent indien, sert à la chaîne des "Thés russes" - un thé noir très fort lentement infusé dans deux bouilloires empilées l'une sur l'autre, puis siroté dans des verres en forme de tulipe.
"On ouvre juste après 4 heures du matin, pour être prêts pour les ouvriers qui passent avant d'embaucher", explique Nebih Gerxhaliu, devant sa cajtore.
A l'intérieur, le thé se boit comme en Turquie, sucré ou avec une tranche de citron. Depuis quand ? Nul ne saurait dater avec précision l'arrivée du thé au Kosovo, qu'il soit venu lors de l'occupation ottomane ou pendant l'occupation russe.
Quoiqu'il en soit, la passion pour le thé est ici intacte : on compte à Vushtrri une cajtore pour 1.000 habitants.
"Vous ne pouvez pas être d'ici et ne pas aimer le thé", résume M. Gerxhaliu.
- Génération macchiato -
Mais 30km plus loin, dans la capitale Pristina, c'est le café qui est roi - et se vante d'être parmi les meilleurs au monde.
"Notre macchiato est vraiment le meilleur" affirme sans ambages Fisnik Mexhuani qui le sert dans sa pâtisserie baptisée Matisse.
Avec sa rutilante machine à espresso italienne, Matisse fait partie des dizaines de cafés qui servent à longueur de journée des macchiato, un espresso surmonté d'une petite dose de mousse de lait.
Le café turc avait déjà fait son apparition au Kosovo, mais depuis la guerre d'indépendance de 1998-1999, les cafés à l'occidentale pullulent.
Car le conflit et les années de maintien de la paix qui ont suivi ont apporté leur lot de soldats étrangers, de diplomates et d'humanitaires qui ont résidé au Kosovo avec leur boisson préférée.
Petit à petit, les nouvelles générations kosovares se sont laissé séduire et commandent désormais plus volontiers un macchiato qu'un thé.
"Il y a un changement générationnel en cours", observe le propriétaire de Matisse. "Les anciens, qui s'intéressaient davantage au thé, partent. Et de nouveaux clients arrivent qui consomment de moins en moins de thé".
Conséquence, on ne trouve plus que deux cajtore dans le centre de Pristina. Les autres sont reléguées en banlieue.
- Come back ? -
Mais certains cafés tentent de surfer sur un retour du thé - comme Trosha, une chaîne de plus en plus populaire. Son propriétaire, Arben Avdiu, espère réussir le mariage des anciens et des modernes.
"Trosha est un endroit où ces deux cultures s'entrelacent aujourd'hui", explique-t-il, dessinant l'idée d'un futur où thé et café cohabitent.
Mais chez les puristes de Vushtrri, aucune chance de voir une tasse à espresso apparaître.
"Si on m'offrait 100 cafés, je n'en boirais même pas un", sourit Burhan Collaku, retraité, en savourant un de ses 10 à 15 verres quotidiens.
Pour Nesim Ispahiu, poète et photographe renommé pour avoir immortalisé la culture des cajtores, Vushtrri sera toujours la "capitale du thé".
"Si vous venez en visite et ne buvez pas de thé, c'est comme si vous n'étiez jamais venu", assure le nonagénaire.
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Le photographe et poète Nesim Ispahiu boit un thé noir à Vushtrri, au kosovo, le 16 août 2025 - Armend NIMANI (AFP)