Levée de boucliers au Québec, où le gouvernement veut faire payer davantage les étudiants anglophones


Levée de boucliers au Québec, le gouvernement veut faire payer davantage les étudiants anglophones.

Sherbrooke (Canada) (AFP) - Sur les trois campus anglophones du Québec, la colère ne retombe pas. Pour défendre la langue française, le gouvernement provincial a annoncé vouloir doubler les frais de scolarité pour les non-Québécois dans les universités de langue anglaise dès la rentrée prochaine, provoquant consternation et inquiétudes chez les étudiants.

À l'université Bishop's, près de Sherbrooke, à deux heures à l'est de Montréal, les étudiants ont souvent des mots très durs contre cette annonce du gouvernement au pouvoir.

"Payer le double pour venir étudier dans une province qui ne veut pas t'accueillir, c'est vraiment difficile à justifier", estime Bryn Empey, une étudiante en enseignement, originaire de l'Ontario.

Celle qui terminera son programme au printemps a aidé à organiser une manifestation contre cette réforme à Montréal, qui a attiré des foules.

Avec ses huit millions d'habitants, le Québec - petit bassin francophone dans une marée nord-américaine anglophone - voit la langue de Molière perdre du terrain dans sa métropole au profit de l'anglais. Et le gouvernement de François Legault a promis de contrer ce déclin.

"Aujourd'hui, le gouvernement du Québec envoie un signal clair: non seulement on met fin à une politique qui subventionnait à perte des étudiants qui ne restent pas ici, mais on vient freiner le déclin du français à Montréal", a expliqué Pascale Déry, la ministre de l'Enseignement supérieur en annonçant la mesure le mois dernier.

Avec les millions de dollars ainsi récupérés, Québec veut investir dans le réseau universitaire francophone et accueillir davantage d'étudiants internationaux parlant français.

"Je ne crois pas du tout que cela va aider à protéger la langue", continue Bryn Empey, qualifiant la hausse d'"absolument absurde".

Sa sœur cadette, qui songeait à choisir Bishop's pour y étudier aussi, remet maintenant en question ses plans.

Dès la rentrée 2024, il est prévu que les droits de scolarité pour les étudiants des autres provinces canadiennes passent d'environ 9.000 dollars canadiens (6.000 euros) à 17.000 dollars par an.

"Cela va dissuader beaucoup d'étudiants de venir ici", réagit Jonathan Cassan, un Américain de 20 ans qui en est à sa troisième année d'études en environnement.

- "Crise existentielle" -

Le principal (patron) de Bishop's, Sébastien Lebel-Grenier, n'hésite pas à parler d'un impact "catastrophique" et "violent", et anticipe que la quasi-totalité des étudiants hors Québec choisiront une autre institution que la sienne.

Il va jusqu'à dire qu'avec ses 2.650 étudiants, dont 30% proviennent d'ailleurs au Canada et 15% de l'international, c'est la survie même de l'établissement qui est en jeu.

"Pour nous, c'est vraiment une crise existentielle. C'est une menace qui porte atteinte à notre capacité de poursuivre comme université", a-t-il confié à l'AFP, inquiet.

Avec une plus grande proportion d'étudiants canadiens que les deux autres universités de langue anglaise du Québec, Bishop's est "plus à risque", selon le professeur de l'École nationale d'administration publique, Pier-André Bouchard St-Amant.

Mais McGill et Concordia, les deux universités anglophones de Montréal - des institutions réputées et reconnues à l'international - mettent elles aussi en garde contre la mesure, qu'elles jugent délétère et néfaste à la renommée de la métropole québécoise.

Le président de l'université Concordia, Graham Carr s'attend à "des implications financières désastreuses".

Cela aura "une incidence majeure sur l'économie québécoise" a renchéri Deep Saini, le principal de McGill. "Les gens compétents que nous parvenons à recruter et à garder ici contribuent à l'essor du Québec et forment la main-d'œuvre hautement qualifiée dont nos entreprises ont plus besoin que jamais", a-t-il ajouté.

Depuis l'annonce de cette augmentation, qui a eu l'effet d'une bombe dans le milieu universitaire, de nombreuses entreprises et organisations se sont jointes aux étudiants pour dénoncer la hausse des frais de scolarité.

Selon le principal de l'université Bishop's, des discussions entre les universités concernées et le gouvernement québécois sont toujours en cours.

Mais le mal semble déjà avoir été fait. "Le simple fait d'avoir annoncé ces mesures a déjà des impacts très significatifs", a renchéri M. Lebel-Grenier. "C'est tombé en plein milieu de notre effort de recrutement pour l'an prochain."

This article was published Monday, 27 November, 2023 by AFP
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Vue aérienne de l'université Bishop's près de Sherbrooke au Québec (Canada), le 20 novembre 2023 © AFP Sebastien ST-JEAN


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