En Iran, les difficultés économiques gâchent les préparatifs du Nouvel An


En Iran, les difficultés économiques gâchent les préparatifs du Nouvel An.

Au Grand Bazar de Téhéran, véritable baromètre de l'activité en Iran, des commerçants déplorent une situation économique "catastrophique" devant des boutiques inhabituellement vides à l'approche du Nouvel An persan, au lendemain du limogeage du ministre de l'Economie.

Abdolnasser Hemmati, en poste depuis août, a été démis de ses fonctions dimanche à l'issue d'un vote de confiance au Parlement, dans un contexte de forte dépréciation de la monnaie nationale face au dollar et d'une inflation galopante qui étrangle les ménages.

"Les affaires vont très mal, je ne peux pas vous dire à quel point c'est catastrophique !", peste Mohsen, un vendeur de chaussettes et de sous-vêtements pour hommes, qui exerce depuis dix ans au Grand Bazar.

"On ne vend pratiquement rien parce que les gens n'ont plus de pouvoir d'achat", déclare cet homme de 40 ans qui, comme toutes les personnes interrogées par l'AFP, préfère taire son patronyme.

"Tout le monde se plaint, commerçants comme citoyens", ajoute Mohsen, vêtu d'une tenue sportive décontractée, qui déplore n'avoir eu "que trois clients" dans son magasin.

La boutique voisine a définitivement mis la clé sous la porte il y a quelques jours.

La cause de tous les maux : "l'inflation", selon Majid, un vendeur de jouets, qui travaille sur le marché depuis 40 ans et n'en revient pas de voir ses allées désertes.

- "J'ai honte" -

Les semaines précédant Norouz, le Nouvel An persan (21 mars), sont habituellement les plus chargées de l'année pour les commerçants qui y réalisent une grande partie de leur chiffre d'affaires.

Norouz, équivalent aux fêtes de Noël et du Nouvel An en Occident, marque une parenthèse de deux semaines pendant lesquelles les Iraniens se retrouvent en famille et en profitent pour certains pour voyager.

Cet article "était vendu l'an dernier 20.000 tomans", soit 30 centimes d'euro, "il en coûte aujourd'hui 48.000", s'étonne devant sa boutique Majid, à propos d'un simple jouet en plastique premier prix. 

Le salaire minimum en Iran est équivalent à 117 euros par mois, selon l'agence officielle Irna, et les Iraniens se serrent la ceinture face à l'augmentation abyssale du coût de la vie.

"J'ai honte de vendre des marchandises à des prix aussi élevés", ajoute ce vendeur à la barbe poivre et sel.

La plupart de ses articles sont fabriqués en Chine et dépendent donc de prix en dollars à l'import. 

Or, la dépréciation du rial iranien face au dollar s'est intensifiée ces derniers mois, renchérissant de fait le coût des marchandises.

Lundi à Téhéran, un dollar s'échangeait au marché noir plus de 900.000 rials, proche d'un record, contre environ 590.000 un an plus tôt, selon l'un des sites de référence pour le suivi des changes, AlanChand. 

- Hors de prix -

Cette tendance s'est particulièrement accélérée depuis le retour en janvier à la Maison Blanche du président américain Donald Trump, dont le premier mandat avait été marqué par une politique dite de "pression maximale" à l'encontre de l'Iran et le rétablissement de sanctions.

"J'étais venue au bazar pour acheter du chocolat et des noix", indique à l'AFP Akram, une femme de 60 ans vêtue d'un foulard beige estampillé Louis Vuitton.

"J'ai vu les prix et je n'ai rien pu acheter. Rien ! Ni vêtements ni nourriture, alors je pars !", enrage-t-elle.

Depuis 2019, l'inflation en Iran est supérieure à 30% par an, selon les chiffres de la Banque mondiale. Elle a même atteint 44,5% en 2023, selon les chiffres les plus récents publiés par cette institution située à Washington.

"Je n'ai pas pu acheter grand-chose, seulement un paquet de dattes", déclare Reza Esmaïlian, 58 ans, alors que les prix au Grand Bazar sont généralement parmi les plus bas de Téhéran. 

Les traditions païennes de Norouz se heurtent cette année aux obligations du ramadan qui en Iran a débuté dimanche, et peut également expliquer la faible fréquentation du Grand Bazar en matinée.

"Personne ne fait plus de shopping pour Norouz", assure Ali devant son petit stand de vaisselle désespérément vide.

"J'ai trois enfants et du mal à subvenir à leurs besoins", ajoute ce vendeur qui, pour joindre les deux bouts, dit être obligé de travailler comme chauffeur après sa journée.

This article was published Wednesday, 5 March, 2025 by AFP
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Des gens passent devant les boutiques du Grand Bazar de Téhéran, le 3 mars 2025

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